2023 doit marquer le tournant vers une action climatique concrète et ambitieuse pour tous. Pour faire face à l'urgence, nous devons innover sans crainte, s'adapter aux conséquences déjà visibles du changement climatique, et agir maintenant pour limiter autant que possible l'aggravation de la situation. C'est mon souhait le plus cher pour cette nouvelle année.
L'année 2022 a été le théâtre de crises d'une ampleur inédite. A peine sortis de pandémie de Covid, nous avons assisté au début de conflits violents et imprévisibles, entraînant une crise énergétique brutale et le début d'une inflation historique, touchant particulièrement l'Europe. Et tous ces défis ont été aggravés par le changement climatique.
Malgré la frustration croissante et l'installation de la crise, j'ai pourtant de l'espoir et je crois que nous avons tous des raisons d'être optimistes pour l'année 2023. Nous avons su démontrer notre capacité d'innovation, en mettant au point un vaccin en un temps record, en réalisant des avancées dans le domaine de la fusion nucléaire, en parvenant à faire baisser les coûts des énergies éolienne et solaire en dessous de leurs alternatives polluantes et la liste est encore longue. La perspective d'abandonner les combustibles fossiles et de nous adapter au changement climatique n'est alors pas impensable, et nous devons nous y atteler ensemble !
De nombreux citoyens expriment leur inquiétude et leur colère face à l'inaction des gouvernements et la lenteur avec laquelle notre société s'engage en faveur de l'action climatique dans le monde. Je partage leur frustration.Trop peu de stratégies climatiques sont mises en place et les entreprises sont à la traîne dans l'atteinte de leurs objectifs. D'après le rapport Net Zéro 2022 de South Pole, environ 2 % des entreprises seulement ont déjà mis en place une stratégie de transition climatique et seulement 7 % (qui se définissent comme “leaders du développement durable") ont pris des engagements pour atteindre le net zéro. Elles sont encore moins nombreuses à agir pour limiter l'impact de leurs activités et de leurs chaînes d'approvisionnement. Et près d'un quart des entreprises ayant fixé des objectifs climatiques ne prévoient pas de communiquer publiquement leur plan d'action et leurs progrès concrets, par crainte d'être accusées de greenwashing (on parle alors de green-hushing).
Certaines entreprises sont d'ailleurs mises en cause au sujet des mesures qu'elles engagent en faveur du climat. Les récents rapports sur les critiques adressées à Blackrock en sont un bon exemple : alors que l'État du Texas a blacklisté le gestionnaire d'investissement pour avoir boycotté l'industrie pétrolière locale, l'État de New York a annoncé qu'il pourrait réduire son investissement dans l'entreprise de plusieurs milliards de dollars, pour sanctionner son inaction.
Avec cet exemple, on comprend mieux le manque de transparence constaté dans notre dernière enquête - les entreprises s'inquiètent du jugement pouvant être porté sur leur plan d'action si elles communiquent sur leur engagement climatique.
Et pourtant, si l'on doit dénoncer un manque d'ambition, il faudrait commencer à mettre les entreprises qui ne font rien et qui ne se remettent pas en cause sous les projecteurs, et malheureusement elles représentent aujourd'hui la grande majorité du secteur privé !
Tous les jours, je lis de nombreuses critiques au sujet du marché volontaire du carbone (MVC) et des débats passionnés sur la compensation, ou contribution carbone. Si l'on s'éloigne du débat très technique tout en allant un peu plus loin que les gros titres simplifiés à l'extrême, l'histoire du MVC offre des perspectives intéressantes.
Après l'effondrement du protocole de Kyoto, le financement du MVC était très limité et s'appuyait seulement sur quelques acteurs engagés. Il y a dix ans, la valeur du marché volontaire du carbone était d'environ 387 millions de dollars - un cinquième de la valeur estimée du marché aujourd'hui - et les crédits carbone du MVC se vendaient à moins d'un dollar par crédit. À l'époque, la faible demande limitait le développement des marchés du carbone : seuls les projets les plus simples et les moins chers pouvaient être développés.
À mesure que l'on comprend mieux la menace réelle du changement climatique, la demande de crédits carbone augmente, entraînant une augmentation des prix. Les conditions sont alors réunies pour que des nouvelles technologies soient développées et que des projets plus complexes puissent être financés.
On assiste actuellement à une explosion de critiques au sujet des projets les plus anciens. Ces critiques sont utiles pour faire évoluer les pratiques, et élever le niveau d'ambition des projets développés. Mais pour une critique constructive, il faut considérer l'ensemble des paramètres, et notamment le contexte de développement de ces projets initialement. Les projets d'énergies renouvelables sont un bon exemple. Il y a dix ans, il était très difficile de développer un projet éolien ou solaire au Chili du fait de l'absence d'une banque locale pour financer le projet. Ce dernier était donc clairement additionnel (c'est à dire qu'il n'aurait pas pu être développé sans les fonds générés par la finance carbone). Aujourd'hui, l'additionnalité de certains de ces projets peut être questionnée, ceux-ci pouvant être financés autrement, du fait de la diminution des coûts technologiques et de l'augmentation du taux de rentabilité, en particulier en cette période de crise énergétique. Les énergies renouvelables sont en effet soudainement plus rentables que le gaz naturel en provenance de Russie...
Entendons-nous sur le constat que le fonctionnement du MVC n'est pas sans défaut mais il constitue aujourd'hui le seul système viable qui existe suite au protocole de Kyoto. Il permet un impact positif sur l'environnement immédiat et ce dès le premier euro investi en canalisant des financements vers des projets qui évitent et réduisent nos émissions de carbone. Mais avant tout, il incite les entreprises à réduire leurs émissions au maximum, pour limiter le coût croissant que leurs émissions font peser sur leur bilan. Le potentiel de la contribution climatique est ainsi doublement important et contribue à l'atteinte de l'objectif net zéro global, à condition que davantage d'entreprises aillent au-delà de la décarbonation de leurs chaînes de valeur et prennent en compte le financement de l'action climatique dans leur stratégie de durabilité (comme le recommande l'initiative Science-Based Targets).
Concentrons-nous sur l'impact positif et concret que nos actions peuvent avoir sur la planète. Apportons nos idées, nos solutions et nos innovations et travaillons ensemble à l'amélioration du marché volontaire du carbone pour faire face à l'urgence climatique. Agissons ensemble pour atteindre le net zéro.
Découvrez les liens entre biodiversité et marchés du carbone dans cet entretien avec Renat Heuberger.
Il est possible d'aller plus loin en mobilisant des milliards de dollars par an pour financer des solutions fondées sur la nature. Le nombre croissant de nouveaux projets, tels que la restauration des mangroves, l'agriculture intelligente, la protection et la restauration des forêts, et bien d'autres encore, requièrent un financement à grande échelle.
Grâce à ces opportunités et ces mécanismes de financement, le bénéfice peut être triple. Nous pouvons réduire les émissions de carbone, protéger la biodiversité et canaliser des investissements pour assurer la protection des forêts et des écosystèmes. C'est là que l'action climatique prend tout son sens - nous devons nous assurer que l'argent investi revient aux communautés locales et indigènes qui protègent et restaurent les écosystèmes vitaux, dont nous dépendons tous.
Le MVC encourage également le développement de nouvelles technologies et permet de contribuer plus rapidement aux objectifs de l'accord de Paris à travers le financement de projets certifiés. En outre, un grand nombre de méthodologies de calcul du CO2, éprouvées et testées sur les marchés volontaires du carbone, sont désormais utilisées sur les marchés de conformité émergents.
Nous disposons aujourd'hui d'un accord unique en son genre convenu lors de la COP15 pour stopper la destruction des écosystèmes, et nous avons lancé un nouveau fonds destiné à financer les pertes et dommages causés sur l'environnement lors de la COP27. Mais la dernière décennie nous a montré qu'annoncer des objectifs n'est malheureusement pas suffisant pour garantir un impact climatique véritable.
Année après année, les entreprises mondiales ont su innover pour nous offrir des produits toujours plus performants (voitures, smartphones, systèmes énergétiques…). Pourquoi devrait-il en être autrement pour le marché volontaire du carbone ? Ce dernier doit évoluer afin de renforcer la clarté des revendications et améliorer la qualité et la durabilité des crédits. Cela nécessite une approche coordonnée et collaborative pour continuer à affiner le marché et ses méthodologies, mais cette démarche est tout à fait crédible et réalisable. Il est temps pour nous tous de partager franchement et courageusement les défis à relever, les difficultés comme les solutions, pour innover sans crainte.
Agissons ensemble, maintenant.