Le secteur de l'aviation fait actuellement l'objet de nombreuses critiques en France pour son incompatibilité avec les objectifs de réductions d'émissions de GES fixés par l'Accord de Paris.
Le secteur aérien est en effet responsable de près de 3% des émissions mondiales de GES, tout comme au sein de l'Union européenne tandis qu'en France, il représente 6,4% des émissions de CO2 totales du pays.
Régulièrement pointée du doigt, l'industrie de l'aviation semble prendre conscience de l'urgence. Des objectifs de réduction ont en effet été fixés depuis octobre 2021 dans ce secteur : réduire de 50% les émissions à l'horizon 2050 par rapport à l'année de référence de 2005.
Pour atteindre ces objectifs, les nouvelles technologies et l'efficacité énergétique sont les solutions les plus plébiscitées. Parmi les technologies les plus citées, on trouve les carburants durables pour les avions, (Sustainable Aviation Fuels en anglais), ou SAF.
Par définition, les SAF sont des carburants qui peuvent se substituer directement au kérosène (actuellement le composant principal de l'alimentation des réacteurs d'avions), sans nécessiter de modifications du moteur, de la structure de l'avion ou des process logistiques. Il existe en pratique plusieurs types de SAF : les biocarburants et les e-carburants pour l'aviation.
Le biocarburant pour l'aviation, aussi appelé BAF (Bio-aviation fuel), est un carburant produit à partir de biomasse, comme les huiles végétales (notamment l'huile de palme ou l'huile de soja), les graisses animales, le sucre, l'amidon et certaines algues. Une étude du parlement européen estime d'ailleurs que 80% des besoins en SAF dans le futur proche pourraient être couverts par le biocarburant HEFA (Hydroprocessed Ester and Fatty Acids), produit à base d'huiles végétales, d'huiles de cuisine usagées, de suif, etc.
Le e-carburant est généré à partir d'électricité bas carbone et d'eau. En Norvège, un site de production, appelé Norsk e-fuel, devrait voir le jour en 2023 afin de produire du carburant pour l'aviation à partir d'électricité renouvelable, d'eau et de CO2. Cette usine devrait ainsi fournir 100 millions de litres de carburant par an à partir de 2029.
Les méthodes de production diffèrent, et en matière d'émissions de GES, tous les SAF ne se valent pas. En effet, tous les biocarburants ne sont pas durables. Une étude estime ainsi que le biocarburant réalisé à base d'huile de palme produite en Indonésie aurait un impact 24 fois supérieur à celui de SAF produit à base d'herbe, du fait de la déforestation liée à la culture des palmiers.
Les SAF présentent plusieurs avantages.
Les technologies ne sont plus nouvelles, et commencent à être mises en œuvre de plus en plus largement dans l'industrie de l'aviation. Déjà plus de 450 000 vols ont été effectués avec des avions utilisant ce type de carburant. En 2021, plus de 100 millions de litres de SAF ont été produits.
À l'heure actuelle, la quantité des SAF utilisée est encore marginale. Sur les 360 milliards de litres de carburant utilisés en 2019 par l'aviation, moins de 0,1% étaient des SAF. Mais plusieurs pays souhaitant accélérer la transition du secteur aérien se sont engagés à aller plus loin. La loi française instaure ainsi un taux de 1% de SAF depuis le 1er janvier 2022 pour tous les ravitaillements réalisés en France. Ce taux devra atteindre 2% à horizon 2025 et 5% d'ici 2030. Le parlement Européen a également adopté récemment un projet de loi exigeant l'intégration de 37% de carburants durables (comptant les SAF mais aussi l'électricité et l'hydrogène) pour les compagnies aériennes et les aéroports de l'UE d'ici 2030 et 85% d'ici 2050.
Le grand défi liés aux SAF est d'en produire en grande quantité et à des coûts abordables. Les coûts actuels sont 3 à 10 fois supérieurs par rapport au kérosène. En perspective du développement de ces solutions plus durables, certains acteurs du secteur demandent déjà des aides financières de la part des gouvernements.
Au-delà de la question du coût, l'espace et la consommation de ressources nécessaires à la production de ces nouveaux carburants représentent la plus grande limite. En effet, certains biocarburants sont en concurrence directe avec les cultures alimentaires. Une étude du World Resources Institute estime ainsi que le développement de la production de biocarburants à base de plantes ne serait pas compatible avec la production alimentaire de la population humaine à l'horizon 2050. La conclusion de cette étude est que « la quête pour la bioénergie à une échelle significative est à la fois irréaliste et non durable». Pour cette raison, il est possible que les biocarburants à base de déchets soient favorisés dans le futur.
Pour les e-carburants, le problème de production à grande échelle est le même : l'entièreté de l'électricité renouvelable du monde ne serait pas suffisante pour produire la quantité de carburant utilisée par l'aviation à l'heure actuelle. L'usine de Norsk e-fuel, mentionnée plus haut, pourrait en effet à terme produire 100 millions de litres de carburant par an mais il faudrait plusieurs dizaines d'usines comme celle-ci pour alimenter le seul aéroport Charles de Gaulle à Paris. Et l'on ne parle ici que du seul secteur de l'aviation, sans compter les besoins du secteur des transports en général.
Enfin et à cause des coûts de développement et d'exploitation importants, il n'est pas certain que les investissements nécessaires au déploiement de ces solutions à grande échelle soient rentables. De plus, l'utilisation d'une petite proportion de SAF fait augmenter le coût d'un vol de façon significative pour le passager.
Le développement de la production et de l'utilisation des SAF est prometteur pour permettre la transition du secteur aérien. On voit d'ailleurs déjà apparaître dans divers articles, l'expression "avion zéro émission". Cependant, l'impact climatique du secteur ne se limite pas à sa consommation de kérosène. La fabrication des avions et des infrastructures a un impact non négligeable, tout comme la pollution liée aux traînées d'échappement des avions.
Malgré tout et à la lumière des connaissances techniques et scientifiques actuelles, il paraît indispensable pour le secteur et ses usagers de faire preuve de plus en plus de sobriété, autrement dit, réduire son activité et les déplacements aériens évitables. L'aéroport d'Amsterdam a déjà décidé de plafonner son nombre de trajets aériens à 440 000 vols par an. De la même manière, plusieurs associations ont appelé à limiter le nombre de trajets aériens de l'aéroport de Roissy.
Le rapport « Pouvoir voler en 2050 » produit par The Shift Project et l'association Aéro Décarbo, conclut que, même si les progrès technologiques auront un impact positif important sur la décarbonation du secteur aérien, le secteur devra nécessairement engager des mesures de sobriété : densifier les cabines, supprimer l'offre aérienne lorsqu'une alternative ferroviaire existe, limiter le trafic de l'aviation d'affaire ou supprimer le système de “miles", etc…
Les conséquences pour les entreprises ne seront pas négligeables : même si les réunions à distance ont connu un essor important depuis la crise du Covid, diminuant le nombre de déplacements en France et à l'étranger, les organisations vont devoir continuer à réduire de façon importante les déplacements de leurs collaborateurs. En effet, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) estime que plus de 50 % des émissions de CO2 sont liées aux déplacements professionnels au sein des entreprises.
Si elles veulent atteindre leur objectif net zéro, les entreprises sont donc fortement incitées à revoir leur politique concernant leurs voyages d'affaires en redéfinissant leurs priorités et en privilégiant les déplacements en train lorsque cela est possible.
Pionnière sur le front de la lutte contre le changement climatique et plus grand fournisseur de solutions climatiques et développeur de projets carbone au monde, South Pole conseille et accompagne les entreprises et institutions à travers le monde dans la définition et la mise en œuvre de stratégies de durabilité intégrées et ambitieuses, à la hauteur des enjeux climatiques.