Si les accords conclus sont les bienvenus - compte tenu de l'impasse dans laquelle se trouvent les négociations et du manque d'ambition des gouvernements -, que doit-on retenir de cette édition ? Quelles sont les avancées notables, et quels sont les points encore insuffisamment pris en compte par les gouvernements ?
La plus grande avancée de cette COP dite "africaine" porte sur la création d'un fonds de financement des pertes et dommages liés au changement climatique dans les économies émergentes. De quoi s'agit-il exactement ?
Les conséquences du changement climatique sur les cycles de la nature sont déjà considérables, et la multiplication des événements climatiques extrêmes mettent déjà certaines communautés dans des situations de précarité absolue. Pour donner un exemple, comment les petits producteurs de cacao du Ghana pourront-ils trouver des moyens de subsistance si une sécheresse prolongée les empêche de cultiver et de gagner leur vie ? Où iront ensuite les personnes déplacées par des catastrophes naturelles, comme les millions de familles du Pakistan touchées par les inondations ?
La création de ce fonds constitue une avancée remarquable pour la protection des pays les plus vulnérables aux effets dévastateurs du changement climatique.
Mais cette initiative vient avec son lot de défis : pour avoir un véritable impact social et climatique positif, nous devons être capables de prévoir clairement qui le financera et comment le décaissement se fera, en évitant les goulots d'étranglement bureaucratiques. Nous ne pouvons pas nous permettre que ce fonds devienne un compte bancaire vide. Pour en savoir plus, découvrez l'analyse de notre collègue Martin Stadelmann - des pensées partagées par beaucoup.
La belle initiative concernant le financement des pertes et dommages liés au changement climatique a été éclipsée par le manque d'un signal fort en faveur de l'élimination des combustibles fossiles. Nous pouvons déjà anticiper que si ce sujet n'est pas pris en compte cette année, cela pourrait annuler les progrès réalisés en matière de réduction des émissions dans de nombreux autres domaines. L'accent mis sur l'élimination progressive du charbon est important, car il appelle explicitement à des transitions justes vers les énergies renouvelables, mais nous devons élargir cet objectif pour inclure l'élimination progressive de la plupart des combustibles fossiles. Pour ce faire, nous avons également besoin de financements à grande échelle en faveur des carburants et des technologies de l'avenir.
Les avertissements émis par les principales agences spécialisées dans la question climat au sein des Nations Unies avant la COP27 étaient pourtant clairs : le monde est proche d'un effondrement climatique irréversible. Nous savons d'ores et déjà que chaque fraction de degré de réchauffement de la planète augmentera la souffrance humaine, et il est urgent d'intensifier la transition vers les énergies propres.
Le débat sur le rôle des marchés du carbone - tant volontaire que réglementaire - a été important.
Dans ce contexte, nous nous réjouissons des progrès réalisés sur les modalités de mise en œuvre de l'article 6, qui définit les règles d'engagement sur le marché réglementaire du carbone dans le cadre de l'Accord de Paris. L'article 6.2 reconnaît ainsi que les pays peuvent coopérer pour atteindre leurs objectifs climatiques nationaux.
L'accord sur l'infrastructure permettant le suivi des résultats d'atténuation transférés au niveau international (Internationally Transferred Mitigation Outcomes ou ITMO) au titre de l'article 6.2 a constitué une avancée majeure, permettant aux pays de commencer à mettre en œuvre des accords bilatéraux de coopération. Le texte convenu lors de la COP27donne aux pays un contrôle total sur les informations, notamment en permettant que certaines informations soient tenues confidentielles vis-à-vis du public, mais pas des experts chargés de garantir le bon fonctionnement du système de suivi des ITMO.
Le mécanisme d'attribution de crédits de l'ONU servant à générer des réductions d'émissions, communément appelés crédits carbone, et à échanger dans le cadre de ces accords bilatéraux, n'est cependant pas terminé. Il reste beaucoup à faire pour que le mécanisme d'attribution de crédits de l'article 6.4 soit opérationnel et puisse attirer des investissements dans des projets de réduction des émissions.
Bien que nous ayons constaté une évolution, celle-ci n'a pas été suffisante pour permettre le véritable changement transformationnel dont nous avons besoin dans un avenir proche afin de maintenir le cap sur l'objectif de zéro émission nette d'ici 2050.
"Les progrès relatifs à l'article 6 ont été limités à un moment où nous avions besoin qu'ils soient exponentiels. Alors que nous disposons désormais d'une infrastructure de registre pour l'article 6.2, la possibilité de garder les informations confidentielles entre deux pays risque de nuire à la transparence des opérations engagées et pourrait conduire à un manque d'ambition de la part des parties prenantes", déclare Frédéric Gagnon-Lebrun, directeur de la politique climatique, des finances et des marchés du carbone de South Pole, à propos de cette décision. "Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les pays "taire" leurs efforts de coopération au titre de l'article 6. Cet article est là pour accélérer l'action climatique et les coopérations entre pays doivent pour cela être reconnues et rendues publiques."
Les objectifs nationaux en matière de climat étant loin d'être atteints, il est devenu évident que les actions volontaires resteront essentielles pour renforcer l'ambition des gouvernements visant à atteindre les objectifs de l'accord de Paris.
Nous sommes cependant reconnaissants d'une évolution qui, selon nous, apporte une clarté bien nécessaire dans l'utilisation volontaire des crédits carbone. Pour la première fois, l'article 6.4 du mécanisme d'octroi de crédits des Nations Unies reconnaît officiellement que les crédits issus de projets qui réduisent les émissions peuvent être achetés par des entreprises sur une base volontaire pour contrebalancer les émissions inévitables qu'elles génèrent - et que cela contribue aux objectifs climatiques nationaux du pays hôte des projets. Cela revient à accepter que les entreprises puissent payer pour les dommages qu'elles causent sur leur chemin vers le net zéro en finançant et en contribuant à l'action climatique mondiale.
"L'introduction de crédits contribuant à l'atténuation en vertu de l'article 6.4 constitue à la fois un défi et une opportunité : nous avons besoin de beaucoup plus de clarté sur la manière dont les entreprises doivent utiliser ces crédits et sur les déclarations considérées comment étant appropriées et crédibles. Le financement par les entreprises de réductions d'émissions sur le marché volontaire du carbone peut ainsi jouer un rôle essentiel dans l'atteinte des objectifs climatiques des pays", déclare Naomi Swickard, responsable des affaires publiques chez South Pole.
“Ce mécanisme vise à lutter contre le “greenwashing", et non à minimiser l'empreinte carbone des entreprises. Au contraire, comme l'indique la décision sur l'article 6.4, l'achat de ces unités serait une "contribution aux résultats du pays hôte", que les entreprises financeraient pour contribuer à l'atteinte de l'objectif net zéro global."
Explicatif : Article 6
|
Au lendemain de la COP27, de nombreuses questions restent encore sans réponse claire. Des engagements positifs ont été pris, et les gouvernements seront désormais évalués à l'aune de leurs résultats concrets.
Avec le peu de temps qu'il nous reste pour atteindre les objectifs climatiques collectifs, la planète ne peut pourtant pas se permettre d'attendre que les grandes questions de négociation internationale soient résolues - et les entreprises ont un rôle crucial à jouer.
Il est nécessaire que les entreprises se fixent des objectifs net zéro et s'engagent dès aujourd'hui dans la décarbonation de leurs opérations. Celles-ci doivent également payer pour les dommages environnementaux qu'elles causent actuellement. Investir dans des crédits carbone de haute qualité parallèlement à la décarbonation leur permet d'assumer leurs responsabilités et reconnaître les impacts négatifs de leur activité. Une partie de cette responsabilité consiste également à communiquer leur action climatique de manière transparente, sans affirmations trompeuses.
Les chefs d'entreprise qui accélèrent leur action en faveur du climat devraient s'unir et définir ensemble des objectifs ambitieux, pour inspirer et engager leurs parties prenantes, leurs clients, les médias et les législateurs. Avec le soutien des entreprises, construisons ensemble un avenir dans lequel la société a l'ambition et la capacité - mais aussi la confiance - de s'attaquer au changement climatique à l'échelle requise.